Et avant toute discussion ceux qui voudraient s'opposer à la dépanalisation sont accusés de lâcheté
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Cannabis : Taubira étudie un allégement des sanctions
Par Paule Gonzales, Jean-Marc Leclerc
Publié le 04/12/2013 à 19:19
La garde des Sceaux, Christiane Taubira, envisage d'assouplir la législation sur le cannabis. Selon elle, la «prudence» en la matière «confinerait à la lâcheté».
L'idée court. Elle a émaillé le rapport Nadal sur la refondation du rôle du procureur, elle est au centre de la modernisation de la justice que veut Christiane Taubira. L'idée d'adoucir la règle pénale pour les consommateurs de cannabis revient depuis quelques jours sur le devant de la scène. La semaine dernière, ouvrant à la Chancellerie les travaux sur la «justice du XXIe siècle», la garde des Sceaux n'a pas hésité à dire que «la prudence de certains sur ce dossier confin(ait) à la lâcheté». «Si le sujet monte durant les travaux du mois de janvier sur la modernisation de la justice, il y a de grandes chances d'avoir dans leur sillage une proposition de loi d'origine parlementaire», affirme sans détour un proche du dossier.
On savait la ministre réservée sur le système actuel, encadré par la loi de 1970. Elle avait donné le ton lors d'une «conférence de consensus», en février dernier. Lors de l'émission de France 2 «Des paroles et des actes» en septembre, la ministre avait toutefois prudemment refusé de donner sa position.
Pour les partisans du changement, il s'agit au minimum de déclasser la consommation en simple contravention. L'infraction resterait alors dans le champ pénal mais ne serait plus un délit passible de prison. De quoi, certes, permettre de désengorger les tribunaux asphyxiés par le traitement de délits que certains considèrent comme… mineurs. Mais aussi de revoir la place du juge. «La pénalisation de la consommation de cannabis avait une vertu, celle de permettre de remonter les filières de la drogue grâce aux consommateurs qui étaient placés en garde à vue», rappelle Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats (USM).
«Frapper là où ça fait mal»
«Depuis la réforme de cette dernière, qui laisse moins de latitude aux policiers par la présence de l'avocat dans la première heure, la remontée des réseaux à travers l'usager est devenue quasi impossible. Un système de contravention a au moins l'avantage de frapper le consommateur là ou cela fait mal, c'est-à-dire au porte-monnaie», poursuit-il. «Mais pour être efficaces, ces contraventions devraient pouvoir être homologuées par un juge afin qu'en cas de nouvelle infraction elle entre dans le dispositif pénal de la récidive», précise le patron de l'USM.
«A minima, nous ne sommes pas opposés à la contravention. Nous ne sommes pas très loin du dispositif qui consiste à faire intervenir des agents des douanes au côté des policiers pour verbaliser les trafiquants de drogue», souligne le syndicat de la magistrature (SM), qui milite, lui, pour «une légalisation contrôlée du trafic de cannabis» et pour une «dépénalisation pure et simple des stupéfiants».
La croissance exponentielle de la consommation est telle que les policiers renoncent souvent aux poursuites
Pour les tenants de cette «contraventionalisation de l'usage de cannabis», le constat est général. La croissance exponentielle de la consommation est telle que les policiers renoncent souvent aux poursuites en raison de la faiblesse des doses et, quand elles ont lieu, les usagers sont la plupart du temps condamnés à du sursis avec mise à l'épreuve, dont l'exécution n'est jamais contrôlée… Mais ce point divise les parlementaires de gauche. «Paradoxalement, la contraventionalisation mènerait à plus de répression que cette pénalisation jamais appliquée. Or, ce n'est pas notre objectif!», souligne l'un d'eux. Pourtant la France est, selon l'Observatoire national des drogues, le premier pays européen pour la consommation de cannabis.
La tentation de la dépénalisation n'est pas nouvelle. À droite, même Nicolas Sarkozy fit une ouverture en ce sens. C'était en 2003. Mais l'idée émise sous «Sarko 1» n'a pas prospéré.
En juin 2011, l'ex-ministre de l'Intérieur, Daniel Vaillant, proposa, pour sa part, dans un rapport parlementaire, d'instaurer tout bonnement la «légalisation contrôlée». Un projet des plus iconoclastes, puisque c'était à l'État d'encadrer la vente. De quoi «redynamiser» l'agriculture, selon le maire PS du XVIIIe arrondissement, avec 53.000 hectares cultivables et des «cannabistrots» contrôlés par les douanes, pour que les jeunes ne fument plus dans les cages d'escalier… Nul ne prit vraiment cette proposition au sérieux.
Mais le sujet rebondit. Le 18 avril 2012, à quatre jours de l'élection présidentielle, le socialiste François Rebsamen lâche une petite bombe lors d'un meeting organisé dans sa ville de Dijon: «J'ai proposé à François Hollande que l'on transforme le délit de consommation de cannabis en contravention», lance-t-il à la tribune. Une manière de se démarquer sans doute de son concurrent d'alors pour le fauteuil de «premier flic de France», Manuel Valls.
Patatras! Deux jours plus tard, Hollande torpille la proposition de son ami: «Je ne la reprendrai pas pour des raisons qui tiennent à la nécessité de l'interdit, qui ne doit pas être affaibli», rétorque celui qui sera élu président de la République. Une ligne qu'il défendra à nouveau, juste après son élection, quand l'écologiste Cécile Duflot, fraîchement promue ministre, rappelle la position d'Europe Écologie-Les Verts en faveur de la dépénalisation.
«La question du cannabis n'est pas à l'ordre du jour», avait alors rappelé le premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Et l'on doute que, dans l'esprit des chefs de l'exécutif, cet ordre du jour puisse varier avant les municipales sur un sujet aussi sensible.
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