Exclusif : les professionnels pour un dépistage obligatoire de la consommation de cannabis au lycée
Paris, le vendredi 7 février 2014 – La proposition de loi déposée par le député UMP Eric Ciotti visant à instaurer dans les lycées un dépistage obligatoire de la consommation de cannabis a été très commentée. Outre la controverse idéologique que n’a pas manqué de soulever cette suggestion, les interrogations techniques et pratiques sont très nombreuses. On peut ainsi se demander si un tel système pourrait être considéré comme recevable au regard de la loi. La garantie de la préservation du secret médical peut également être en jeu : peut-on considérer comme pertinente la transmission des résultats aux parents, s’agissant d’adolescents proches de leur majorité ? Enfin, il faudrait, pour éventuellement adhérer à un tel projet être convaincu de l’impact positif des dépistages obligatoires sur la prévention de ce type de comportement ; impact que les études menées sur le sujet n’ont pas toujours mis en évidence.
Pas de pitié pour le cannabis
En dépit de la persistance de l’ensemble de ces questionnements, les professionnels de santé semblent considérer que le dépistage obligatoire peut s’avérer un outil utile et efficace. Interrogés sur le JIM, ils ont en effet été 64 % (sur 689 répondeurs) à se déclarer favorables à un dépistage obligatoire de la consommation de stupéfiants dans les lycées. Seuls 33 % rejettent cette idée, tandis que 2 %, face peut-être aux nombreuses incertitudes, ont estimé difficile de se prononcer. Ces résultats confirment que pour les praticiens, comme ils ont pu l’expérimenter dans leur pratique quotidienne, le dépistage est un outil incontournable de prévention. Le caractère obligatoire, en l’espèce, ne paraît pas à leurs yeux devoir être rejeté.
Est-ce parce que les sujets en question sont des adolescents ou parce que le produit est illicite ? Si les motivations exactes des professionnels de santé ne peuvent être parfaitement déterminées par notre sondage, il confirme une nouvelle fois le souhait marqué des praticiens de voir mener une lutte plus active contre le cannabis, lutte qui considérerait ce produit comme une véritable drogue et qui s’appuierait sur des dispositifs innovants. Nous avions déjà noté le durcissement de la position des médecins, infirmiers et pharmaciens à l’égard du cannabis lors d’un sondage réalisé en 2011 qui avait vu 60 % des professionnels de santé s’opposer à la dépénalisation contrôlée du cannabis (quand 74 % se déclaraient favorables à la dépénalisation dix ans plus tôt)
SERIEZ VOUS FAVORABLE A UN DEPISTAGE OBLIGATOIRE DE LA CONSOMMATION DE STUPEFIANTS DANS LES LYCEES ?
POUR LE DEPISTAGE.........64%
CONTRE LE DEPISTAGE......33%
NSP................................ 2%
Sondage réalisé du 20 janvier et 3 février 2014 auprès de 689 professionnels de santé
Une initiation d’autant plus dangereuse qu’elle est précoce
Ce changement d’appréciation est très probablement lié à la multiplication, ces dernières années, des études confirmant la dangerosité du cannabis. Sur ce thème, en écho à la question du dépistage de la consommation du cannabis dans les lycées, l’INSERM vient de rendre publique une expertise collective sur la consommation de substances psychoactives par les adolescents. A propos du cannabis, il est rappelé que « les premières expérimentations, encore très rares à l’entrée du collège, sont observées dès les dernières années de collège (11 % des élèves de 4ème, 24 % des élèves de 3ème) et concernent près d’un lycéen sur deux en 2011 ». L’INSERM souligne par ailleurs que « les troubles cognitifs observés à long terme sont corrélés à la dose, la fréquence, la durée d’exposition et à l’âge de la première consommation de cannabis ». Le groupe d’experts insiste enfin, à propos de toutes les substances, sur l’importance de « sensibiliser le public et les différents acteurs (…) à la vulnérabilité de l’adolescent et aux dangers associés à une initiation précoce ».
Certains y liront sûrement un nouvel argument en faveur des contrôles dans les lycées (voire dans les collèges).
Aurélie Haroche
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