Autorisation des salles de shoot : «Une incitation à la drogue»
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- Par Anne-Laure Debaecker
- le 08/04/2015
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Les deputés viennent d'autoriser l'expérimentation des salles de shoot. Pour Serge Lebigot, cette décision pourrait conduire à une catastrophe sanitaire.
Serge Lebigot est le président de l'association Parents contre la drogue1. Il a notamment écrit Cannabis: Ce que les parents doivent savoir2, et Le Dossier noir du cannabis3.
Les députés ont donné leur feu vert pour l'expérimentation des salles de shoot ce mardi. Que pensez-vous de cette autorisation?
En termes de santé et de sécurité, ce serait une catastrophe. On va en effet créer pour la première fois en France des zones de non-droit où le trafic et la consommation de stupéfiants seront autorisés.
En termes de santé et de sécurité, ce serait une catastrophe. On va en effet créer pour la première fois en France des zones de non-droit où le trafic et la consommation de stupéfiants seront autorisés.
Contrairement à ce que dit Marisol Touraine, il faut savoir qu'autour de ces salles de shoot il y a un périmètre de sécurité dans lequel la police n'a pas le droit d'approcher pour ne pas stresser les toxicomanes. Les dealers vont évidemment tous s'y engouffrer, comme on peut l'observer dans les pays qui expérimentent déjà ces lieux. Je plains les habitants qui vivront autour de ces salles. Le rapport de Santé publique et du territoire a totalement caché les propos des policiers: quand un toxicomane est fixé à un endroit, il n'en bouge plus. Ces toxicomanes vont donc être rivés autour de la salle de shoot. Il y a aura forcément des agressions -la drogue coûte cher. Et la police ne pourra même pas faire son travail puisqu'elle n'aura pas le droit d'approcher ces zones.
A partir du moment où l'on favorise la consommation, le trafic et le transport, on arrive à une légalisation des drogues. On va ainsi créer quelque chose qui ne s'est jamais vu en France: une inégalité des Français devant la justice. Quelqu'un qui se drogue ou deale à deux rues des salles de shoot ira en prison tandis que le toxicomane installé dans la salle pourra faire ce qu'il veut grâce à la ministre de la Santé.
Les chiffres publiés vendredi dernier soulignent une explosion de la consommation des drogues chez les jeunes de 18 à 25 ans -en particulier la consommation de cocaïne qui a fortement augmenté. Ces jeunes sont majeurs: ils pourront désormais aller consommer leurs substances dans ces salles de shoot: il s'agit vraiment d'une promotion et d'une incitation à la consommation de drogues.
Ces salles sont pourtant sensées être destinées aux toxicomanes majeurs qui se droguent dans des conditions d'hygiène précaires, dans les rues ou les halls d'immeuble…
Cet argument est celui de Mme Touraine. Il suffit d'aller voir ce qu'il se passe dans les salles de shoot expérimentées dans d'autres pays en Europe pour constater que ça n'est pas le cas. Dans celle de Barcelone où je me suis rendu, il y avait cinq à six toxicomanes dans la salle contre plusieurs centaines dans les rues avoisinantes. C'était pareil à Londres, en Norvège … J'étais à la conférence du député Yannick Moreau la semaine dernière et une jeune femme toxicomane y a indiqué qu'en Suisse, il y avait non pas des centaines mais des milliers de toxicomanes autour de la salle qui ne contenait qu'à peine dix personnes.
Ces toxicomanes s'y rendent en effet pour essayer de nouvelles drogues, tenter de doses plus conséquentes ou expérimenter de nombreux cocktails de différentes substances : autant de consommations qu'ils n'oseraient essayer dans la rue et qu'ils font dans ces salles, « rassurés » par la présence du personnel.
Qui sont les dix toxicomanes que l'on trouve dans ces salles de shoot? Ces salles ne sont-elles pas pour ceux-ci un progrès en matière sanitaire?
Il s'agit de personnes de n'importe quel âge et non, comme on l'affirme, de toxicomanes très accros. Un toxicomane, s'il a envie de prendre de la drogue, ne va pas attendre d'être dans une salle ou d'être en présence d'un psychologue pour le faire. Ceux qui vont dans ces salles sont des personnes droguées qui ont envie de faire de nouvelles expériences. Ces toxicomanes s'y rendent en effet pour essayer de nouvelles drogues, tenter de doses plus conséquentes ou expérimenter de nombreux cocktails de différentes substances: autant de consommations qu'ils n'oseraient essayer dans la rue et qu'ils font dans ces salles, «rassurés» par la présence du personnel.
Le dispositif est en effet encadré par du personnel de santé. Cette présence ne peut-elle pas aider à combattre l'addiction?
Ceci est totalement faux: pas un scientifique au monde ne dira que l'on soigne la drogue par la drogue: cela n'existe pas. Si l'on veut soigner un toxicomane c'est simple: il faut un sevrage et l'arrêt total de la drogue. On ne peut aider une personne droguée en la poussant à la consommation de substances.
S'il n'y a pas de règlements dans ces salles de shoot, il y a d'ailleurs un risque considérable d'accidents avec des personnes droguées qui s'injecteront des produits très nocifs. Il est donc à souhaiter qu'il y ait au minimum un règlement pour éviter autant que possible la catastrophe sanitaire.
Il y a eu de nombreux de rapports indépendants à travers le monde -dont celui de l'Inserm- sur ce sujet. Aucun d'entre eux n'établit d'incidence aussi bien en termes de VIH que d'hépatite C pour les salles de shoot. Un rapport indépendant fait pour le Canada relatait d'ailleurs que les gens qui avaient été soignés dans des centres de sevrage déclaraient n'y avoir jamais vu un toxicomane issus de ces salles de shoot. Où sont-ils allés? On voit bien que l'on est dans l'enfumage total.
Ceci est catastrophique. Je fais de la prévention dans des écoles privées et des élèves m'ont déjà déclaré que bientôt ils auraient le droit de consommer des drogues.
Le coût d'une salle de shoot est estimé à environ 800 000 euros par an. Cette somme aurait-elle pu être employée plus efficacement?
La ministre a, en effet, indiqué que cela coûterait 800 000 euros. A mon sens cette mesure coûterait au moins un million d'euros voire, comme en Norvège 1 ,5 million d'euros la salle de shoot par année. A la place, on pourrait investir dans des campagnes de prévention chez les enfants ou encore créer des mini-communautés pour sortir des toxicomanes de la drogue. Alors qu'avec ces salles, on ne va pas les en sortir mais les enfoncer.
Ceci est catastrophique. Je fais de la prévention dans des écoles privées et des élèves m'ont déjà déclaré que bientôt ils auraient le droit de consommer des drogues. Le message que l'on va délivrer aux enfants est en effet totalement contraire à ce que devrait être celui d'une politique de lutte anti-drogue. Comment dire à des jeunes: «eux ils ont le droit, mais toi tu n'as pas le droit?» Ainsi une certaine catégorie de personnes aurait le droit de prendre des drogues mais pas les autres. C'est encore un moyen de totalement déconstruire la société. J'espère que des élus vont s'emparer de cette question au conseil constitutionnel.
Cette légalisation relève ainsi de la pure idéologie soixante-huitarde. Marisol Touraine voulait faire plaisir à ses amis pro-drogues. Si notre ministre était sure de son projet, pourquoi l'Académie de médecine, l'Académie de pharmacie et l'Ordre des médecins n'ont pas été conviés à la rédaction du rapport? Si l'on est certain du bien-fondé d'une démarche, on ne refuse pas d'en débattre avec d'autres personnes. Mme Touraine a dit consulter les associations concernées. De quelles associations s'agit-il? Nous n'avons jamais été reçus, par exemple, malgré notre courrier. Elle n'a jamais voulu écouter les Académies ou encore les psychiatres qui s'opposent à ce projet mais a préféré suivre un petit lobby pro drogue.
Pour faire plaisir à des lobbys, ils vont donc se focaliser sur leur intérêt au détriment du bien commun. Quand un président est élu, il l'est normalement pour tous les Français. Là nous en avons un qui semble élu pour tous les lobbys… Mais le combat continue, une loi se défait comme elle se fait.
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